Yves Pagès – En 2002, le metteur en scène & vidéaste Benoît Bradel, un ami de longue date, me parle d’un projet atypique. Contrairement à ses habitudes, le travail sur les images précèderait la fabrique théâtrale. Autrement dit, il veut d’abord réaliser un film, puis le remettre en jeu sur le plateau avec les mêmes comédiens. On décide d’écrire le scénario ensemble. Économie de moyens oblige, le tournage se fera en vidéo numérique, avec six rôles principaux, dont le jazzman afro-américain David S. Ware, entre Paris, Cherbourg et New York. Point de départ : la faillite d’un cirque, racheté par des mafieux made in USA. Quant à nos partis pris… Styliser les personnages comme des silhouettes animées. Traiter la fiction comme un road-movie en pointillé. Et pour nourrir cette trame elliptique, accumuler des matériaux textuels en voix off, des sous-titres décalés, des cartons intermédiaires, des extraits de films… Bref, flirter avec les lieux communs du cinéma pour les remettre en perspective, plus tard, sur scène. Au final, un moyen-métrage de presque une heure (scénario et bande-annonce ici même). Puis, lors de sa création (Maison de la Culture de Bourges, janv. 2004), une conflagration visuelle & sonore qui déplace les lignes du spectacle vivant et interroge le public sur sa propre place de spectateur. Repris à la Ferme du Buisson et à Chaillot, cet ovni a muté en 2008 sous l’appellation Americano Project (version solo de Benoît Bradel himself).